Rappels salutaires de la Cour de cassation

Rappels salutaires : la Cour de cassation réaffirme la logique du « principe de la réparation intégrale sans perte ni profit » sur l’assistance tierce personne temporaire (compris dans les FD), les Frais de logement adapté (FLA) et Frais de véhicule adapté (FVA).

Cour de cass., chambre civ. 1, 8 février 2023, 21-24.991, Inédit

Il s’agit d’une victime d’infection nosocomiale grave consécutive au remplacement d’une prothèse du genou, qui conduit à une amputation au niveau de la cuisse, soit un taux de DFP (ou « AIPP ») supérieur à 24 % ouvrant droit à une indemnisation « par la solidarité nationale » (l’ONIAM). — Noter la mention « Inédit » dans la référence de la décision : il s’agit d’un arrêt d’espèce sans portée doctrinale particulière parce qu’il ne fait que rappeler la jurisprudence constante de la Cour de cassation en la matière.

En expertise et en conseil il n’y a pas lieu écarter d’emblée la possibilité d’une ATP temporaire en cas d’hospitalisation ; cette assistance nourrit, comme on sait, le poste Frais divers (FD) en temporaire ; elles est individualisée pour les préjudices permanents par le poste ATP.

Voir aussi l’excellente fiche sur le sujet fournie par l’ANADOC.

Extraits de la décision
(commentaires entre crochets)

  1. Sur l’assistance tierce personne temporaire

« Vu l’article L. 1142-1, II, du code de la santé publique [qui dispose sur l’indemnisation par la solidarité nationale (l’ONIAM in fine) des infections nosocomiales avec AIPP > 24 %] et le principe d’une réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

5. Il résulte de ce texte et de ce principe que le poste de préjudice lié à l’assistance par une tierce personne ne se limite pas aux seuls besoins vitaux de la victime, mais indemnise sa perte d’autonomie la mettant dans l’obligation de recourir à un tiers pour l’assister dans l’ensemble des actes de la vie quotidienne.

6. Pour limiter l’indemnisation allouée au titre de l’assistance temporaire par une tierce personne, l’arrêt retient qu’elle n’est pas due pendant les périodes où Mme [S] a été hospitalisée dès lors que l’hospitalisation tend à suspendre les contraintes de la vie quotidienne et garantit au patient un niveau élevé de sécurité, et en déduit que la rétribution supplémentaire d’une tierce personne pendant la période de déficit fonctionnel temporaire total est sans objet.

7. En statuant ainsi, la cour d’appel, qui a écarté par principe toute indemnisation de l’assistance par une tierce personne pendant les périodes d’hospitalisation de Mme [S], a violé l’article et le principe susvisés.

  • Sur les FLA

« Vu l’article 4 du code civil [qui ne permet pas au juge de se rendre coupable de déni de justice par refus de juger] et le principe d’une réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime

9. Il résulte de ce texte et de ce principe que le juge ne peut refuser d’évaluer un préjudice dont il constate l’existence.

10. Pour rejeter le demande d’indemnisation de Mme [S] au titre des frais de logement adapté, après avoir constaté, en se fondant sur l’expertise médicale, l’incompatibilité du logement dont celle-ci est locataire avec son état séquellaire, l’arrêt retient que Mme [S] sollicite le financement de l’acquisition d’un bien immobilier, que cette solution beaucoup plus onéreuse ne peut qu’être placée sous le signe de la subsidiarité [c’est-à-dire : si aucune autre solution n’est possible], qu’elle ne justifie pas avoir saisi son bailleur social aux fins d’attribution d’un nouveau logement, que la surface de l’ancien logement n’est pas communiquée et que le devis concernant la maison n’en précise pas la commune de localisation, de sorte que la cour d’appel ne dispose pas d’éléments d’appréciation permettant d’accueillir la demande.

11. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte [elle a commis un déni de justice en refusant de se prononcer sur la demande] et le principe susvisés [la réparation intégrale est indifférente au caractère plus ou moins onéreux de la solution la mieux adaptée].

  • Sur les FVA

« Vu l’article L. 1142-1, II, du code de la santé publique et le principe d’une réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

13. Pour limiter l’indemnisation allouée au titre des frais de véhicule adapté, après avoir constaté, en se fondant sur l’expertise médicale, la nécessité d’un véhicule permettant la prise en charge d’un fauteuil roulant électrique, l’arrêt retient que Mme [S] ne justifie pas du coût marginal du nouveau véhicule, compte tenu de l’imputation éventuelle du montant de la reprise de l’ancien, et que le préjudice doit être évalué au différentiel de coût d’acquisition entre un même véhicule doté d’une boîte mécanique et d’une boîte automatique, sans tenir compte du surcoût lié à la charge d’un fauteuil électrique.

14. En statuant ainsi, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte et le principe susvisés [le véhicule adapté avec charge du fauteuil électrique et — d’évidence — la réparation la mieux adaptée, celle qui remet fonctionnellement la personne dans l’état antérieur à l’accident, peu importe le coût]. »

Philippe AMIEL, 16 fév. 2023
philippe.amiel {a} quadem.fr